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Reden 2003
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Discours du Président du Bundestag allemand, Wolfgang Thierse, lors de la séance commune de l'Assemblée nationale et du Bundestag allemand à l'occasion du 40ème anniversaire du Traité de l'Elysée dans l'hémicycle du Château de Versailles

"Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Chancelier fédéral,
Monsieur le Premier ministre,
Mes chers collègues de l'Assemblée nationale et du Bundestag,
Mesdames, Messieurs,

Nous, les parlementaires du Bundestag allemand et de l'Assemblée nationale, voulions faire quelque chose de tout à fait particulier pour fêter le 40ème anniversaire du traité d'amitié franco-allemand, quelque chose qui aille nettement au-delà de ce qui fait l'ordinaire de nos relations, de nos amitiés politiques.

Monsieur le Président Debré, et vous, chers collègues de l'Assemblée nationale, avez finalement pris l'initiative, et avez invité le Bundestag allemand à cette première réunion. Nous tous ici, qui composons le Bundestag allemand, vous remercions de ce geste fort. Il est à la hauteur des relations exceptionnelles entre nos deux pays et entre nos deux peuples. Car cette amitié -même si elle nous apparaît aujourd'hui comme une banalité, une évidence - dès lors qu'on la replace dans sa perspective historique, n'a absolument rien d'évident, mais est au contraire une chose vraiment extraordinaire, au vu d'une histoire séculaire de préjugés, de méfiance, de haine, de conflits guerriers entre nos deux peuples et nos deux Etats.

En 1871, lorsque Bismarck proclama ici même, à Versailles, le Reich allemand, ou en 1919, lorsque fut signé, à Versailles, le traité de paix après la première guerre mondiale, ou même en 1940 et 1945, si quelqu'un avait prédit que l'Allemagne et la France pourraient un jour contempler 40 ans de solide amitié et de travail commun, on n'aurait pu que secouer la tête, incrédule. Dans un tel contexte, après toutes ces guerres et cette succession d'humiliations réciproques, nous ne pouvions au fond rien imaginer de mieux que la rencontre d'aujourd'hui dans ce lieu chargé d'histoire. En regardant derrière nous, nous pouvons nous réjouir de ces quarante années de paix et d'amitié, et en nous tournant vers l'avenir, nous contemplons la construction de l'Union européenne, qui vient de décider ce que j'appelle la réunification de l'Europe, et a commencé à la mettre en ½uvre.

Depuis la création de la Communauté du charbon et de l'Acier, la France et l'Allemagne ont toujours montré qu'elles étaient le moteur de l'Europe unie: une Europe qui, après la catastrophe de la seconde guerre mondiale, a trouvé une nouvelle manière de prendre conscience de tout ce qui nous réunit aux plans historique, moral et intellectuel, de son identité, qui se fonde autant sur ses racines chrétiennes que sur les traditions du siècle des lumières, et dont nous, les Européens, avons fait un modèle de société dont l'attrait rayonne partout dans le monde. Comme les valeurs fondamentales de cette Europe sont celles qui ont guidé la révolution française: "Liberté, Egalité, Fraternité", il est aussi juste et logique que nous célébrions à Paris un anniversaire tellement européen.

Charles de Gaulle et Konrad Adenauer avaient compris que l'entente et l'amitié ne pouvaient pas réussir si elles se limitaient aux Conseils des ministres et aux gouvernements. C'est la raison pour laquelle, outre de nombreux projets communs dans les domaines de l'économie et des transports, on a surtout suscité des rencontres entre les gens; elles ont conduit à la mise en place d'un nombre presque inconcevable de jumelages soigneusement entretenus entre les villes, au travail essentiel de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse, à la création d'écoles bilingues délivrant un baccalauréat reconnu dans les deux pays.

Enfin, que serait l'amitié des gouvernements sans l'étroite coopération entre les Parlements. Les bureaux du Bundestag allemand et de l'Assemblée nationale se rencontrent tous les ans. La coopération entre les parlementaires est institutionnalisée - jusqu'en 1998, à travers les Colloques Charlemagne, et aujourd'hui dans les Colloques Paris-Berlin. Les commissions parlementaires se rencontrent souvent, ou organisent même des séances de travail communes, comme dernièrement la commission des Affaires de l'Union européenne et la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Nous échangeons des personnels. Même si l'opinion publique n'en a pas autant conscience que des rencontres régulières entre nos gouvernements, nous avons ainsi, sans nous soucier des appartenances partisanes, créé au fil des ans entre les représentations nationales un climat de confiance et d'intimité qui s'avère un fondement solide de notre amitié, sur lequel nous pouvons bâtir notre politique. C'est ainsi que nous l'avons à nouveau exprimé dans notre déclaration commune.

Comme dans la vie privée, l'amitié ne signifie pas toujours l'idylle. Souvent, nos intérêts sont nettement différents, et il nous faut en discuter, nous disputer même, comme il se doit entre démocrates. Mais notre spécificité, c'est qu'à chaque fois, nous trouvons une solution, un équilibre. C'est précisément à cela que l'on reconnaît une véritable amitié.

Ce que je souhaiterais aujourd'hui, c'est non seulement que de nombreux élèves allemands apprennent le français, mais aussi, en sens inverse, que beaucoup de jeunes Français apprennent l'allemand. L'enjeu en vaut la peine. Au plan culturel, évidemment, mais aussi au plan politique. Nous gagnerions beaucoup à pouvoir, grâce à la connaissance réciproque de nos langues respectives, débattre de la politique européenne et la façonner - comme on l'attend de "citoyens européens".

Nous sommes confrontés aujourd'hui dans nos deux pays à des problèmes et des défis très similaires, et pour tout dire, presque identiques: le terrorisme international, la faiblesse de la croissance, le nombre élevé de demandeurs d'emploi, l'ampleur des déficits publics et les difficultés de nos systèmes de protection sociale. Si une nouvelle guerre devait encore éclater à nos portes, au Proche-Orient, ces problèmes en seraient à nouveau aggravés, et la coexistence, si nécessaire et pourtant si fragile, entre des cultures différentes dans nos pays, en pâtirait et en deviendrait encore plus complexe. Nos chances de relever ces défis augmentent sans aucun doute si nous rapprochons et échangeons nos expériences - également par rapport aux Etats-Unis d'Amérique.

Saisissons donc l'occasion de cette réunion exceptionnelle de nos deux Parlements comme un signe et un encouragement, non seulement pour l'approfondissement de notre amitié, mais aussi pour une contribution de l'Europe à un monde de paix et d'équilibre entre les intérêts de tous, pour les droits de l'homme, la démocratie, et la résolution non-violente des conflits. C'est dans cet esprit que je tiens, Monsieur le Président Debré, à vous remercier une nouvelle fois de cette invitation, et à souhaiter à toutes et à tous la bienvenue à cette rencontre parlementaire de l'amitié franco-allemande."

Quelle: http://www.bundestag.de/parlament/praesidium/reden/2003/003a
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