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« Réunion des plénipotentiaires des huit puissances parties à la Paix de Paris ». Jean-Baptiste Isabey © picture-alliance/akg-images
À la fin du XVIIIe siècle, toute l’Europe voit émerger des mouvements politiques qui s’engagent en faveur de l’unité nationale sur un fondement de liberté. En Allemagne, cette évolution est comparativement plus tardive. Dans le « Saint Empire romain germanique », la donne politique reste totalement dictée par les structures dépassées d’un État autocratique et absolutiste sur le retour. Certes, même les territoires allemands ont exprimé diverses critiques à l’encontre de l’« Ancien régime », mais pendant longtemps aucune évolution ne trahira une sérieuse remise en question de l’ordre établi.
Il faudra attendre le début du XIXe siècle et les conquêtes napoléoniennes qui vont ébranler les anciens régimes et mettre en marche un vaste processus de modernisation politique. Les réformes dans les États de la Confédération du Rhin sous occupation française ainsi que la reconnaissance de l’infériorité manifeste de l’ancien ordre déclenchent des aspirations réformatrices dans d’autres États allemands aussi, en Prusse au premier chef. En même temps, la résistance à l’occupation française contribue à la formation d’un mouvement national allemand qui non seulement tend à libérer les territoires sous occupation française, mais qui propage aussi des revendications à l’unité nationale et à l’autodétermination politique.
Après la victoire sur Napoléon, le Congrès de Vienne se réunit de septembre 1814 à juin 1815 pour débattre d’un remodelage du dispositif étatique européen. Les pourparlers sont nettement marqués par la volonté de rétablissement (restauration) de l’ordre antérieur à la Révolution. En politique extérieure, les efforts tendent à rétablir l’équilibre des forces entre les États européens, et sur le plan intérieur à remettre en application le principe de l’État monarchique, dans la mesure du possible sans faire aucune concession aux idées libérales et démocratiques. En lieu et place de l’État national espéré par beaucoup, les princes allemands instaurent la Confédération germanique englobant 37 principautés et quatre Villes libres. Unique organe commun, l’Assemblée confédérale siégeant sous la présidence autrichienne à Francfort-sur-le-Main sera ultérieurement dénommée « Bundestag allemand ». En dépit de la lourdeur de ses mécanismes institutionnels qui réduisent sa latitude d’action, la Confédération germanique fera longtemps la preuve de son efficacité en tant qu’instrument d’oppression des aspirations de l’opposition.
La mise en œuvre par les États confédérés des constitutions inscrites en perspective dans l’Acte confédéral restera bien en deçà des espérances. Tandis qu’une série d’États du centre et du nord de l'Allemagne ne se dotent que tardivement d’une constitution, la Prusse et l’Autriche rejetteront jusqu’en 1848 l’introduction de constitutions dans les territoires sous leur domination. Seuls les États du sud de l'Allemagne adopteront des constitutions des ordres régionaux, accordant également des droits de citoyenneté et de participation restreintes. Les représentations populaires instituées dans ce contexte ouvrent au mouvement oppositionnel de nouvelles possibilités de se développer et marquent le début d’une évolution parlementaire en Allemagne. Les Diètes régionales sont en général composées de deux chambres. La première réunit des représentants de la maison régnante et de la haute noblesse, ainsi que des dignitaires de la politique, de l’Église et de la société désignés par le roi. Les sièges de la seconde chambre sont attribués en fonction de quotas fixes à certaines catégories sociales que représentent des députés qui procèdent fréquemment d’un droit électoral échelonné par classes et d’une procédure électorale indirecte. Les lois et la collecte des impôts doivent être approuvées par les Diètes régionales, dont toutefois la latitude d’action est réduite. Ainsi, malgré quelques réformes libérales, les tentatives de modifications substantielles butteront immanquablement sur l’affirmation du principe de représentation exclusive par la tête de l’État monarchique.
La restauration de l’ordre monarchique n’empêche pas la bourgeoisie et les universités avant tout de continuer à propager des idées libérales et nationales. Le 18 octobre 1817, quelque 500 étudiants se rassemblent au château de Wartburg pour exprimer leurs critiques de l’ordre existant lors d’une fête qui constituera la première manifestation du mouvement national allemand dans son entier. L’assassinat, en 1819 à Mannheim, de l’écrivain August von Kotzebue par Karl Ludwig Sand, membre d’une corporation étudiante, inaugure une phase de surveillance et de répression accrues. Les décrets de Karlsbad adoptés en 1819 à l’instigation du ministre autrichien des affaires étrangères, Klemens von Metternich, instaurent un régime policier de surveillance et de répression visant à éradiquer les aspirations oppositionnelles. Lesdites « persécutions des démagogues » par la commission centrale d’enquête instituée à Mayence se traduisent par de lourdes sanctions infligées à d’éminents représentants de l’opposition pour ainsi les réduire au silence. Le mouvement national et libéral s’en trouve gravement désorganisé et rejeté en arrière dans son développement. Résignées, de larges parts de la bourgeoisie sympathisant avec le mouvement vont se retirer dans l’idylle privée d’un « Biedermeier » prétendument apolitique.
La Révolution parisienne de Juillet 1830 et l’insurrection polonaise du début des années 30 vont relancer le mouvement oppositionnel. En de nombreux endroits, la détérioration économique et l’oppression politique sont source de contestation et d’agitation. Au Brunswick, en Saxe, en Hesse électorale et dans le Hanovre, les maisons princières au pouvoir se voient contraintes à des concessions sur la question de la Constitution et des droits citoyens. À l’initiative de l’Association de la presse et de la patrie, plus de 20 000 personnes se réunissent le 27 mai 1832 au château de Hambach pour une grande manifestation et exigent la création d’un État national allemand démocratique dans une Europe de la liberté. Lors de cette première manifestation politique de masse en Allemagne qui imprime un puissant élan au mouvement oppositionnel, de nombreux participants arborent des drapeaux noir, rouge et or - couleurs des corporations étudiantes et symbole généralement reconnu de l’unité allemande. Dès lors, plus rien ne pourra faire taire l’appel à des changements politiques et constitutionnels.